Etant elle-même une « plus size », Tiffany Fevery, plus connue sur les réseaux sociaux sous le nom de « Curve Tiffany Fevery » (Instagram et Facebook), s’investit dans le domaine de la représentation des femmes dans leur diversité morphologique. Indépendante complémentaire dans ce domaine, elle est mannequin grande taille, participe à des défilés et à des films, elle est aussi conférencière. Rencontre.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre profil…

Avant tout citoyenne qui souhaitait défendre la multiplicité des morphologies féminines (et masculines), j’ai pris le pas de dévoiler mon corps et de faire découvrir au monde une autre beauté. Je fais moi-même une taille 50 et au fil des années, j’ai appris à connaitre mon corps et à l’assumer. Je suis grosse, ronde, pulpeuse, voluptueuse. Selon moi, il ne faut pas avoir peur du poids des mots car c’est ce que je suis.

Personnellement, je ne m’attarde pas sur les projets uniquement « plus size » mais davantage sur les projets qui reflètent la diversité des corps. Je fais donc souvent office « d’exception ». Parfois, c’est comme si j’étais le folklore du coin dans un défilé standard. Pour moi, plus on sera nombreuses à s’investir dans une autre représentation féminine, à l’image de la société, moins on sera considérées comme un folklore ou l’exception, en sachant que 80% de la population féminine fait plus qu’un 42.

Par ailleurs, étant moi-même d’origine maghrébine, je pense que lorsqu’on représente la femme aujourd’hui, il est important de s’ouvrir à la mixité.

Quand et pourquoi avez-vous décidé de véhiculer cette image positive du corps ?

J’ai moi-même été victime de préjugés et de commentaires désagréables sur ma corpulence pendant mon adolescence. Par conséquent, j’essayais toujours d’être transparente. Lorsque j’ai eu ma première paie comme employée, je me suis posé la question : l’image de moi-même ne me convient pas et l’image que je renvoie aux autres n’a pas l’air de leur convenir non plus, dès lors, est-ce que je m’engage dans un processus d’amincissement par opération ? En sachant qu’étant jeune, j’avais déjà testé différents types de régimes ou encore pris des médicaments pour maigrir, sans succès. Cela a été le déclic pour moi de réfléchir à quoi allait servir cette opération : j’ai compris qu’il fallait d’abord que j’envisage de m’assumer telle que j’étais avant tout. Ensuite, je me suis rendu compte que les vêtements qu’on me proposait n’étaient jamais adaptés à ma morphologie (les jupes remontaient derrière par exemple) et ne me permettaient pas de me sentir bien dans mes vêtements et dans ma peau.

Que pensez-vous du mouvement bodypositive qu’on retrouve notamment sur les réseaux sociaux ?

Je suis très mitigée sur ce mouvement. Dans un sens, c’est très positif de montrer une diversité de corps et de morphologies auxquels on peut s’identifier. Dans un autre sens, ce mouvement met aussi l’accent sur la nudité alors que nous ne sommes pas forcées d’être en sous-vêtements pour pouvoir se sentir bien dans notre peau. L’hypersexualisation du corps des femmes pose problème. Les gens disent que les deux seins doivent être de la même taille et bien remontés mais comme dans tout, il n’y a rien qui est symétrique. Il faut casser ces tabous qui nous entourent (de la maternité, de la peau d’orange, etc).

Connaissez-vous le mouvement bodyneutrality ? Est-ce que vous vous y identifiez ?

Ce mouvement correspond mieux à ce que je ressens. Ma conception de comment on doit être dans la société, c’est se sentir en accord avec soi-même, autrement dit : parfois on se sent bien, parfois pas, parfois on a envie d’être maquillée, parfois pas, parfois on a envie de mettre une robe, parfois pas.

Nous sommes quotidiennement confronté·e·s aux normes de beauté véhiculées au travers des médias et exacerbées sur les réseaux sociaux. Ces normes peuvent avoir un réel impact sur notre santé mentale. Comment s’en détacher ?

A la télévision, sur les réseaux sociaux, au cinéma, etc. les médias nous rappellent constamment le stéréotype de la femme à laquelle on est censée ressembler et notre fonction en tant que femme. Lorsque la représentation que j’ai en face de moi me fait m’interroger sur qui je suis alors que je dois être ma meilleure amie, que je dois être la personne qui m’accompagne tous les jours et pas la personne qu’on a envie que je sois, je peux soit appuyer sur « éteindre » (on peut supprimer un compte sur les réseaux sociaux, le bloquer ou encore le masquer pendant 30 jours quand cela est possible), soit je peux rentrer dans le débat. Mais, il faut d’abord se sentir en cohérence et alignée avec soi-même puis avec notre entourage pour ensuite être en mesure d’occuper cet espace public.

Si vous pouviez donner un dernier conseil à une femme qui complexe notamment car elle se compare à d’autres femmes sur les réseaux sociaux, que lui diriez-vous ?

Je lui dirais de trouver une image à qui s’identifier qui lui correspond. On est tous fans de quelqu’un·e, de quelque chose. Chaque personne a ses propres références. Tu trouves quelqu’un·e sur tes réseaux qui a plus ou moins le même corps que toi, dont tu aimes la manière de s’exprimer et de s’habiller, dont tu aimes ses investissements et tu essaies de reprogrammer tes réseaux sur base de cela. L’algorithme des réseaux sociaux est bien fait : plus tu vas aimer un type de contenu plus tu as des chances que les mêmes types de contenus reviennent sur ton feed.

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