Le 3 avril 1990, la loi Lallemand-Michielsens était adoptée en Belgique. Cette loi dépénalisa partiellement l’avortement autrement dit, il fut autorisé sous certaines conditions imposées par la loi. En cas de non-respect de ces conditions, la femme et le médecin étaient donc passibles de sanctions pénales.

Depuis mars 2016 et le dépôt par le parti politique DéFI d’une proposition de loi dépénalisant l’avortement, la thématique de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est revenue sur le devant de la scène politique et médiatique. Suite à DéFI, de nombreux partis politiques ont ensuite déposé leur texte. En mai 2018, une vingtaine d’expert·e·s se sont exprimé·e·s sur le sujet en Commission Justice de la Chambre des représentants. Et, le 15 octobre 2018, une nouvelle loi fut adoptée. Mais, pour de nombreuses·eux professionnel·le·s et associations défendant la liberté des femmes à disposer de leur corps, cette loi n’est pas suffisante. Pourquoi ? D’une part, car elle maintient des sanctions pénales à l’égard des femmes et des médecins en cas de non-respect des conditions dans lesquelles l’avortement doit être pratiqué. C’est donc un leurre de parler de dépénalisation de l’avortement. D’autre part, car elle n’améliore que très peu les conditions d’accès à l’IVG.

Une proposition de loi améliorant l’accès à l’IVG

Image illustrant le communiqué de presse A partir du mois de juillet 2019, plusieurs partis politiques ont déposés des propositions de loi visant à assouplir les conditions pour recourir à l’IVG en Belgique et donc à revoir la loi de 2018. Plusieurs partis politiques (PS, Ecolo-Groen, PTB, Open VLD, DéFi, SP.A, MR) se sont réunis pour aboutir à un texte commun. Celui-ci a été adopté par les député·e·s de la Commission Justice en première lecture le 27 novembre et en seconde lecture le 20 décembre 2019.

Selon notre Fédération de Centres de Planning familial, ce texte présente plusieurs avancées. Citons les principales.

L’IVG reconnue comme un acte médical

La proposition de loi supprime les sanctions pénales spécifiques à l’encontre des femmes et des médecins. Ces sanctions contribuent à maintenir une certaine stigmatisation de l’avortement et à le rendre tabou.

En tant qu’institution défendant le droit à l’avortement pour toutes les femmes, nous n’avons jamais prétendu que l’IVG était un « banal acte médical » [1]. Nous considérons que l’IVG est un acte médical à part entière et que les femmes et les médecins sont des êtres responsables. Maintenir des sanctions pénales spécifiques en cas d’infraction, n’est-ce pas culpabilisant et infantilisant tant pour les femmes que pour les professionnel·le·s ? Supprimer dans la loi relative à l’IVG les sanctions pénales spécifiques à l’égard des médecins en cas d’infraction ne signifie aucunement qu’elles/ils seront déresponsabilisé·e·s de leurs actes étant donné que le droit commun s’applique.

Précisons aussi que refuser l’accès sûr et légal à une IVG est une violence à l’encontre des femmes. Le Parlement européen définit la grossesse forcée comme une forme de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes, ce qui constitue une atteinte grave aux droits fondamentaux et à la dignité des femmes et des filles [2].

L’allongement du délai légal afin de mettre fin à l’hypocrisie et répondre aux besoins des femmes

Cette proposition de loi suggère d’allonger le délai légal dans lequel il est possible d’avorter en Belgique.  Celui-ci passerait de 12 à 18 semaines de conception. Chaque année, environ 500 femmes sont redirigées vers les Pays-Bas ou l’Angleterre car elles ont dépassé le délai légal des 12 semaines de conception prévu par la loi actuelle.

L’allongement du délai légal en Belgique de 12 à 18 semaines de conception n’aura pas pour conséquence que les femmes retardent leur demande d’IVG. En Angleterre, où l’avortement est possible jusqu’à 24 semaines d’aménorrhée, en 2018, 80% des avortements ont été pratiqués avant 10 semaines de conception [3]. Selon nos Centres de Planning familial, les IVG sont demandées de plus en plus précocement dans l’évolution de la grossesse.

Précisons aussi qu’à 18 semaines de conception, le fœtus n’a pas atteint le seuil de viabilité. En Belgique, les soins intensifs ne sont habituellement pas prodigués avant la 24ème semaine d’aménorrhée. Ils le sont systématiquement après 26 semaines. Dans l’intervalle entre le début de la 24ème semaine et la fin de la 24ème, les soins intensifs néonataux sont envisagés au cas par cas. Les séquelles liées à la grande prématurité sont fréquentes et peuvent être dramatiques [4]. De son côté, l’OMS fixe la limite de 140 jours (22 semaines d’aménorrhée) pour l’enregistrement systématique des fausses couches à des fins statistiques. L’objectif de cette mesure est d’analyser et de mieux prévenir la mortalité fœtale dans le monde. L’OMS précise qu’il ne s’agit pas d’un critère de viabilité au sens médical.

Précisons aussi que selon une étude du Royal College of Obstetricians britannique, le fœtus ne pourrait pas ressentir de douleur avant 24 semaines. Avant, son cerveau n’est pas formé et il ne montre aucun signe de conscience [5].

Si elle est adoptée, la nouvelle loi n’imposera aucunement à tou·te·s les professionnel·le·s de pratiquer et/ou d’accompagner des IVG jusqu’à 18 semaines [6]. C’est aux politiques, en concertation avec le monde médical notamment du secteur extrahospitalier, de réfléchir à la mise en place d’institutions et à la formation de médecins et gynécologues qui pourront prendre en charge ces IVG du second trimestre.

Un délai de réflexion MINIMAL de 48 heures

Cette proposition de loi propose de diminuer le délai de réflexion entre la première consultation et l’IVG de 6 jours à 48 heures. Pour certaines femmes, ces 6 jours d’attente peuvent apparaître comme une souffrance supplémentaire dans un moment déjà difficile. Rappelons ici qu’il s’agit d’un délai minimal. Cela signifie que si une femme désire prendre le temps de réfléchir davantage que 48 heures, elle pourra le faire.

L’importance de l’éducation sexuelle

Notre Fédération soutient que la réforme de la loi relative à l’IVG aille de pair avec une éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle généralisée et effective en Fédération Wallonie-Bruxelles, au sein de tous les établissements scolaires par des acteurs spécifiques et externes, tels que les équipes des Centres de Planning familial. Si ces animations visent, notamment, à améliorer l’accès à l’information en matière de contraception, nous rappelons que l’objectif premier de l’EVRAS est de permettre à chacun·e de réaliser des choix éclairés et de développer des relations sociales et sexuelles respectueuses. C’est pourquoi nous sommes convaincu·e·s que c’est en permettant aux femmes d’être maîtresses de leur corps et de leurs choix qu’une véritable responsabilisation s’opérera [7].

Quelles sont les prochaines étapes ?

Actuellement, ce texte améliorant les conditions d’accès à l’IVG en Belgique est dans les mains du Conseil d’Etat qui doit rendre son avis sur ce dernier le 2 mars 2020. Une fois l’avis rendu, le texte sera abordé et voté en séance plénière de la Chambre (au minimum le 9 mars 2020, une semaine après l’avis rendu par le Conseil d’Etat). Notre Fédération encourage les député·e·s à adopter définitivement ce texte. Car, il est temps, 30 ans après l’adoption de la loi Lallemand-Michielsens dépénalisant partiellement l’avortement en Belgique, de consacrer un réel droit des femmes à disposer de leur corps en Belgique !

Le 16 décembre 2019, une pétition intitulée « IVG : respectons le choix des femmes et leur droit à la santé ! » a été lancée. Cette pétition avance que toutes les femmes ont droit, sans distinction, à l’avortement jusqu’à 18 semaines de conception. Si vous souhaitez la signer : https://bit.ly/3aT9pDi.

[1] « Enfin, la remise en question de la conception juridique de l’avortement telle qu’elle a été voulue par le législateur jusqu’à présent, en considérant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) comme un banal acte médical ou soin de santé » – Extrait de la carte blanche, lalibre.be, 26 novembre 2019, https://bit.ly/2RNTyi7.

[2] Résolution du Parlement européen du 12 septembre 2017 sur la proposition de décision du Conseil portant conclusion, par l’Union européenne, de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

[3] « Abortion should be a medical matter, not a criminal one. The law need to change », Hillary Freeman, Theguardian.com, 1er décembre 2019, https://bit.ly/35SciRf.

[4] Centre d’Action Laïque, « Fin prématurée d’une grossesse en Belgique : Les vraies étapes, les faux débats », 2015, https://bit.ly/36CHMLn.

[5] Royal College of Obstetricians and Gynaecologists, « Fetel awareness – Review of Research and Recommendations for Practice », March 2010, https://bit.ly/2O9FCfS.

[6] « En ce qui nous concerne personnellement, médecins, sages-femmes et infirmiers, nous ne pouvons-nous résoudre à pratiquer un avortement à un stade si avancé de la grossesse » – Extrait de la carte blanche, lalibre.be, 26 novembre 2019, https://bit.ly/2RNTyi7.

[7] « À l’heure où médecins, infirmières et éducateurs s’efforcent d’éduquer les jeunes en les encourageant à vivre une sexualité responsable – pour eux-mêmes et pour les autres – l’allongement du délai légal à 18 semaines envoie un signal contre-productif de déresponsabilisation et de banalisation » – Extrait de la carte blanche, lalibre.be, 26 novembre 2019, https://bit.ly/2RNTyi7.

Y aller

Pour davantage d’informations sur l’avortement, consultez notre dossier thématique « Avortement ».

Y aller